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Archiprêtré de Phalsbourg  Communauté St Jean Baptiste des Portes d'Alsace

La communion des divorcés remariés

5 Décembre 2013 , Rédigé par cathophalsbourg.over-blog.com Publié dans #Réflexions

LA CROIX du 5 décembre 2013

Débat

La communion des divorcés remariés, par Patrick Kéchichian

Patrick Kéchichian, écrivain et journaliste, collaborateur de « La Croix »

La question de l’accès au sacrement de l’Eucharistie pour les divorcés remariés revient régulièrement et bruyamment sur le devant de la scène. La blessure et la frustration subjectivement ressenties par certains fidèles – dont ce n’est évidemment pas la sincérité qui doit être mise en doute – se transforment alors en plainte, et la plainte en revendication. Puis le ton monte. On n’écoute plus, tant il devient urgent de parler soi-même. On oublie de penser sa foi, on se contente de l’éprouver comme un sentiment – un sentiment qui, dès lors, commande la pensée.

Le caractère polémique que prend alors la discussion est alimenté par la conviction qu’une décision arbitraire, dogmatique – l’adjectif étant devenu systématiquement péjoratif – a été prise par une aveugle hiérarchie ecclésiale, étrangère à la douleur et à la misère réelles des personnes. Le rappel récent de quelques règles de base par Mgr Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (lire La Croix du 23 octobre), risque ainsi d’être interprété en fonction du seul impératif disciplinaire. Pourtant, ce texte, qui se veut un « témoignage en faveur du pouvoir de la grâce » (accessible sur le site du Vatican), sans faire violence à quiconque, invite à la méditation et à la prière.

il est urgent de dépassionner le débat

Mon propos n’est pas de revenir sur les attendus théologiques complexes esquissés par Mgr Müller, mais de souligner quelques évidences, et surtout de soustraire celles-ci aux jugements subjectifs que l’on peut être tenté de porter. Oui, il est urgent de dépassionner, de calmer le débat – de l’objectiver. Étant entendu que les opinions sont, par nature, volatiles, étroitement dépendantes de l’humeur et des intérêts du moment, si légitimes soient-ils.

Tout jugement qui veut s’approcher de la vérité doit s’élever de la sphère de l’opinion à celle de la pensée. Or, il faut aller sans attendre au noyau de la question, appeler un chat un chat et un sacrement un sacrement. Que désigne ce mot ? Un rapport étroit, indissoluble justement, entre, d’une part, un geste, une parole liturgiques et, d’autre part, l’économie du salut, contenue et exprimée dans la Révélation biblique. À la lumière de ce rapport, nos vies se déroulent, dans la solitude et le partage, dans les difficultés, les tourments et les joies, les promesses et les ruptures. Les sacrements, ici ceux du Mariage et de l’Eucharistie, n’ont pas vocation à se mettre sous la dépendance de ces difficultés, ou à se définir par rapport à elles.

En d’autres termes, devant l’autel et devant Dieu, un sacrement reçu l’est absolument. Hors de cette absolue réception, le sens du sacrement tombe, ou au moins s’étiole. À ce sens complexe et dûment réfléchi, on a donc tort d’opposer un droit personnel revendiqué par une conscience propre qui n’est pas juge en la matière, conformément au principe bien connu qui stipule que « personne n’est juge en sa propre cause ». Comme le souligne Mgr Müller, invoquer ici ce droit au nom de la miséricorde divine est une manière de réduire et d’instrumentaliser cet attribut de Dieu, inséparable de sa justice et de sa sainteté. L’expérience vécue n’a pas à entrer en concurrence avec la nature objective de l’acte sacramentaire. Elle n’a pas à lui dicter sa loi.

Cependant, cela ne signifie pas que l’absolu dont il est question plane au-dessus de nos têtes comme une abstraction, un songe idéal… Nous sommes simplement sur deux plans différents. L’amour de Dieu est toujours plus vaste, haut, large et profond que nos sentiments, que notre humaine capacité à aimer. Ces deux dimensions doivent être considérées, mais sans entrer en compétition.

« Le corps du Christ est plus étendu qu’on ne pense. »

Soutenir que l’Église, en refusant la communion aux divorcés remariés, dans la vie desquels une promesse sacramentaire (le mariage) n’a pas été tenue – quelles que soient les raisons ou motifs de cette rupture qui appartiennent à la conscience et/ou aux circonstances –, exerce une violence, prononce une punition, est tout simplement hors de propos.

Dans l’exhortation apostolique Familiaris consortio de novembre 1981, Jean-Paul II précisait : « En agissant ainsi, l’Église professe sa propre fidélité au Christ et à sa vérité ; et en même temps elle se penche avec un cœur maternel vers ses enfants, en particulier vers ceux qui, sans faute de leur part, ont été abandonnés par leur conjoint légitime. Et avec une ferme confiance, elle croit que même ceux qui se sont éloignés du commandement du Seigneur et continuent de vivre dans cet état pourront obtenir de Dieu la grâce de la conversion et du salut, s’ils persévèrent dans la prière, la pénitence et la charité. »

Ainsi, il est impératif de comprendre – la foi est aussi une intelligence – que la Sainte Eucharistie rassemble autour d’elle, englobe tous les fidèles qui participent à la liturgie, qui forment l’Église, Corps du Christ. Et cela, au-delà de l’acte individuel de la réception eucharistique. La communion des fidèles, mesure visible de la Communion des saints, est, dans son principe même, le contraire d’une exclusion. « Des fils innombrables lient tout être à Jésus, (…) toute âme et tout corps au corps de Jésus, tout corps et toute âme à l’âme de Jésus… », écrivait Charles Péguy. Pour lui-même, comme en secret, conscient de la grâce surabondante qu’il recevait au cœur même de ses tourments personnels, il murmurait, au porche de l’Église : « Le corps du Christ est plus étendu qu’on ne pense. »

Patrick Kéchichian

La communion des divorcés remariés
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