Nicolas Sarkozy critique François Hollande sur la laïcité: François Hollande joue l'apaisement
Site du JOURNAL La Croix du 25 janvier 2012
Nicolas Sarkozy critique la proposition du candidat socialiste d’inscrire la loi de 1905 dans la Constitution
Devant les représentants religieux à qui il adressait ses vœux, mercredi 25 janvier, à l’Élysée, Nicolas Sarkozy a une nouvelle fois prôné cette « laïcité positive » dont il se fait le promoteur depuis le début de son quinquennat. C’était aussi une réponse ferme à la proposition, dimanche, de François Hollande, d’inscrire la loi de 1905 dans la Constitution.
« Aucune société ne peut se contenter de vivre de consommation et de distraction sans courir le risque de la perte de sens », a souligné le président de la République. Prenant ainsi le contre-pied du candidat socialiste, il appelle les croyants à faire entendre leur voix.
« Dites à la société ce que vous avez à lui dire, elle peut l’entendre », avance-t-il, en citant l’exemple du cardinal André Vingt-trois, dont il dit avoir lu avec intérêt le récent ouvrage (1). « J’ai la conviction que ce que vous avez à dire de la vie, de l’amour, de l’argent, de la science ou de la mort intéresse tous ceux qui, croyants ou non-croyants, cherchent à donner du sens à leur vie et à leur action », a-t-il ajouté.
« Un fondement qui n’a pas besoin d’être à nouveau sujet de discorde »
Pour Nicolas Sarkozy, la proposition du candidat socialiste est sans réel fondement : La France est « une République laïque et sociale, ce principe est d’ailleurs inscrit noir sur blanc dans le préambule de notre Constitution ». Notre pays a besoin « plus que jamais, d’unité et de rassemblement », estime-t-il, en fustigeant une « vision intégriste » de la laïcité.
À l’issue de la rencontre, le cardinal Vingt-Trois a jugé ces déclarations « bienvenues », dans la mesure où elles incitent les religions « à prendre part à des travaux qui peuvent aider les fidèles à réfléchir à leur vote ». Quant à la polémique lancée par François Hollande, ce n’est, dit-il, qu’une « proposition de campagne » : « Je me méfie de croire qu’il faut tout inscrire dans la Constitution ; dès lors, ce n’est plus la peine de faire des lois ! ».
Porte-parole des évêques orthodoxes de France, Carol Saba refuse, lui aussi, toute « sanctuarisation » de la laïcité. Réserves que partage Claude Baty, président de la Fédération protestante de France : « Il est inutile de rallumer des querelles anciennes ». Car, à ses yeux, ces polémiques risquent d’occulter les sujets essentiels de la campagne : justice des mineurs, situations des personnes âgées, handicapées… « Le plus grand drame, c’est qu’une part de la société française manque d’espérance ».
Dans ce contexte, Gilles Bernheim, grand rabbin de France estime que « c’est la place des hommes de religion de donner des repères, de donner à penser à tant d’hommes et de femmes en France qui sont très désemparés ».
Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, fait le même constat : la loi de 1905 est « un fondement qui n’a pas besoin d’être à nouveau sujet de discorde ; elle est dans notre pratique depuis un siècle. C’est une loi d’apaisement ».
(1) Quelle société voulons-nous ?, Pocket, 158 pages, 6,70 €.
François-Xavier Maigre
« J’ai transmis à la demande de François Hollande un message à l’épiscopat pour le rassurer ». L’avocat Jean-Pierre Mignard annonce à La Croix avoir pris contact avec la conférence épiscopale après les inquiétudes suscitées par les propos du candidat socialiste tenus dimanche au Bourget.
Le candidat socialiste avait évoqué « la démocratie, plus forte que les religions ». Une simple formule de meeting, selon Jean-Pierre Mignard selon qui une rencontre est en préparation entre François Hollande et l’épiscopat.
« Le principe n’en est pas exclu mais aucune date n’est encore arrêtée » précise-t-on à la Conférence des évêques de France qui affiche un désir de discrétion.
La laïcité n’est pas tout entière contenue dans la loi de 1905.
Ce texte fondateur en pose les grands équilibres mais a été maintes fois révisé
La loi de 1905
C’est le texte qui instaure le régime de séparation des Églises et de l’État. Les deux premiers articles sont les plus importants. « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes » précise l’article 1. Selon l’article 2, « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Suivent une quarantaine d’articles pour préciser le statut des ministres du culte ou des édifices religieux, les pratiques tolérées (processions, etc.) sur la voie publique.
La loi Debré de 1959
Pour faire face à la « massification » des études dans un contexte de baby-boom, l’État s’entend avec l’enseignement privé pour organiser sa participation au service public d’éducation. L’État s’engage à reconnaître le caractère propre des établissements privés et à garantir le libre choix d’inscription des familles. Le régime du contrat qui lie les établissements à l’État repose sur un équilibre : respect des programmes officiels et accueil de tous les enfants quelle que soit leur religion par les écoles privées. L’État en contrepartie rémunère les enseignants.
La loi Guermeur de 1977
Elle complète la loi Debré. Elle confère aux enseignants du privé les mêmes avantages sociaux qu’à ceux du public tout en réaffirmant la liberté des chefs d’établissement de choisir leurs équipes
Création du CFCM en 2002
En décembre 2002, Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, signe un protocole d’accord entre la Mosquée de Paris, la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) et l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) sur les structures du futur Conseil français de culte musulman (CFCM). Le 20, au terme d’un séminaire réunissant les membres de la Consultation sur l’islam à Nainville-les-Roches (Essonne), Nicolas Sarkozy annonce un « accord historique » sur le CFCM qui sera présidé par Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris.
Loi de 2004 sur les signes religieux
Ce texte adopté par une majorité de droite et de gauche après le travail de la commission Stasi encadre « le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. » Cette loi interdit dans le « port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ». En revanche, les signes « discrets » d’appartenance religieuse restent possibles.
Loi de 2010 sur le voile intégral
Le texte interdit le port du voile intégral dans l’espace public. Officiellement, l’interdiction ne vise pas spécialement les signes religieux et se fonde non pas sur le respect de la laïcité mais des raisons d’ordre public. Toutefois, le Conseil constitutionnel qui valide le texte en octobre 2010 précise qu’il ne peut s’appliquer dans les lieux de culte ouverts au public, au risque de violer la liberté religieuse.
Proposition de loi sur la petite enfance de 2012
Le 17 janvier, le Sénat adopte une proposition de loi qui vise à étendre l’obligation de neutralité des fonctionnaires aux personnels des structures privées en charge de la petite enfance. Le texte concerne les crèches privées qui reçoivent des subventions publiques. Ces établissements peuvent toutefois « se prévaloir d’un caractère propre porté à la connaissance du public intéressé ». Dans ce cas ils sont tout de même tenus d’accueillir « tous les enfants, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances de leurs représentants légaux. Leurs activités assurent le respect de la liberté de conscience des enfants. »
La proposition concerne aussi les « nounous » qui gardent un enfant à domicile : « À défaut de stipulation contraire inscrite dans le contrat qui le lie au particulier employeur, l’assistant maternel est soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse dans le cours de son activité d’accueil d’enfants. »
Le texte a été transmis à l’Assemblée nationale le 18 janvier.
BERNARD GORCE