La dynamique oecuménique
« La dynamique oecuménique » du Père Bernard Sesboüé
Eglise de Metz de janvier 2012
Bernard Sesboüé, jésuite, est prêtre depuis 1960. Professeur émérite à la faculté de théologie du Centre-Sèvres de Paris, il est également membre du groupe des
Dombes depuis 1967. Son champ de recherche a touché presque tous les domaines de la théologie, et il s'est intéressé plus particulièrement, ces dernières années, à la problématique de la foi ; il
a essayé de répondre à cette question : comment parler de la foi aux hommes et aux femmes de notre monde ?
L'oecuménisme, pour le père Sesboüé, c'est avant tout une « dynamique de réconciliation, qui essaie de ramener les divergences à des différences ». En marge d'une
rencontre oecuménique à Moulins-lès¬Metz, en novembre dernier, le théologien livre sa vision de l'unité des chrétiens.
Depuis plus de 40 ans, dans le cadre de la recherche théologique, le Père Bernard Sesboüé oeuvre au service de l'unité des chrétiens. A partir de son expérience,
tant avec le groupe des Dombes(1) que de la commission mixte luthéro-catholique, il définit une méthode pour pousser la discussion encore plus loin. Pour lui, il est urgent de discerner entre les
divergences et les différences. « La différence, c'est l'ensemble des choses qui nous distinguent d'une confession à l'autre, mais qui n'engagent pas le contenu de la foi. Les divergences,
ce sont des points de contentieux, où il y a vraiment des désaccords sur la foi ».
Une « dynamique de réconciliation »
Face à une dynamique de rupture où, dans le cours de l'histoire, « on a grossi des diffé¬rences pour en faire des divergences », le Père Sesboüé définit
l'oecuménisme comme le mouvement inverse, qui cherche à « ramener les divergences à des différences ». C'est la mé¬thode de travail qui a permis, entre autres, d'arriver à un accord entre
catholiques et luthériens sur la question de la justification. Un important document a ainsi été signé en 1999. Et c'est encore cette démarche qui a prévalu pour le travail du groupe des Dombes
sur les dogmes de l'Immaculée Conception et de l'Assomption. Alors que les protestants ne peuvent pas admettre ces points de doctrine tels quels, la réflexion menée par les catho-liques a été
d'amener leurs frères séparés à re¬connaître qu'il n'y a rien de contraire à l'Evan¬gile dans ces dogmes. Pour le Père Sesboüé, « il y a eu un travail extrêmement profond qui consistait à dire :
il n'est pas nécessaire de confesser un dogme pour essayer de le comprendre dans sa vérité ». Dans le dialogue, ajoute-t-il encore, « les catholiques ont ainsi pu montrer à leurs frères
protestants [que ces dogmes] pouvaient parfaite¬ment s'inscrire et être reconnus comme des complé¬ments théologiques ».
Entre culture et doctrine, le dialogue progresse
Lors de son voyage en Allemagne en septembre dernier, Benoît XVI rappelait que « parmi les Églises et les communautés chrétiennes, l'Orthodoxie est, sans doute,
théologiquement la plus proche de nous ». Cependant, pour le père Sesboüé, «culturellement parlant, nous sommes plus éloignés. Et il se révèle que dans le domaine du dialogue oecuménique, les
objections et les difficultés culturelles sont très importantes et très prégnantes ». Ce qui explique que les discussions ont avant tout lieu avec les protestants. Le groupe des Dombes a ainsi
produit un document sur le Notre Père, où les commentaires de Luther côtoient les réflexions catholiques. Si doctrinalement il n'y a pas d'enjeu majeur, le jésuite insiste sur le fait qu'il
s'agit d'une « invitation à tout un côté de réconciliation dans la prière ».
Des implications concrètes
Si la recherche théologique est importante, le Père Sesboüé n'oublie pas l'aspect pratique de l'oecuménisme, et il milite même pour « une connexion, une
articulation infiniment plus intense et plus forte » de la pratique et de la théologie. Les deux domaines ont, selon lui, à y gagner : « le travail théologique risque d'être un peu ésotérique, de
rester dans son milieu et de ne pas irriguer le travail de la base, et peut-être de ne pas s'enrichir suffisamment aussi du travail de la base. Le travail de la base, à travers les problèmes
concrets qui se posent, a tout intérêt à être lesté d'une bonne formation doctrinale ». Pour lui, c'est à travers ce double engagement, théologique et pratique, que l'unité des chrétiens
progressera.
(I) Dans la mouvance de la semaine de prière pour l'unité des chrétiens, dès 1937, des théologiens catholiques et protestants se réunissent pour prier et
réfléchir. En 1956, les membres du groupe commencent à publier de brèves notes théologiques puis, à partir de 1972, des documents plus importants sur des points clés concernant l'unité des
chrétiens. Jusqu'en 1997, les rencontres annuelles ont eu lieu à l'abbaye trappiste des Dombes, et malgré un changement de lieu, le groupe a décidé de conserver ce nom.