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Archiprêtré de Phalsbourg  Communauté St Jean Baptiste des Portes d'Alsace

Le Congrés Eucharistique de Phalsbourg en 1913

22 Mai 2013 , Rédigé par cathophalsbourg.over-blog.com Publié dans #Culture patrimoine

Le Congrés Eucharistique de Phalsbourg en 1913
Le Congrés Eucharistique de Phalsbourg en 1913
Le Congrés Eucharistique de Phalsbourg en 1913
Le Congrés Eucharistique de Phalsbourg en 1913
Le Congrés Eucharistique de Phalsbourg en 1913
Le Congrés Eucharistique de Phalsbourg en 1913

Le Congrès Eucharistique de PHALSBOURG

Pentecôte 1913, dimanche et lundi 11 et 12 mai.

Paul KITTEL

Il y a cent ans, se tînt à Phalsbourg, le troisième congrès eucharistique cantonal, après ceux de Forbach en 1911 et de Bitche en 1912. La première guerre mondiale fit que ce congrès fut le dernier du genre et le retour en 1918, de l’Alsace-Moselle dans la mère patrie qui tentera en vain d’imposer la loi de séparation de 1905, mit fin à ces manifestations catholiques de masse. Jamais pourtant la ville de Phalsbourg ne vit autant de monde affluer sur la place d’Armes. On estime à dix mille le nombre de participants à ce congrès, soit près de trois fois la population de la « Pépinière des Braves ».

Ces temps sont certes révolus, mais très curieusement, les résolutions proposées à l’issu de ce congrès sur la place du dimanche, jour du Seigneur et donc jour de repos, sont toujours d’actualité. La flexibilité du travail remet en question la place du dimanche en tant que jour de repos. Faisons donc un voyage dans le temps pour nous replonger dans cette atmosphère de début de XXe siècle. La ferveur des gens n’a, hélas, pas pu empêcher le premier conflit mondial.

Les informations de cet article sont tirées du fascicule « Eucharistischer Kantonalkongress Pfalzburg, Gedenkblätter » publié par le curé de l’époque Amatus ZWICKEL en novembre 1913 (à l’occasion de la fête de la Toussaint). Ce fascicule est une mine de renseignements de toutes sortes que nous allons évoquer ici. Ce document (126 pages, illustrées, en allemand gothique) peut être consulté à Phalsbourg sur demande au Musée de cette ville. (PHOTO_01 du livret)

Qu’est ce qu’un Congrès Eucharistique ?

Le premier congrès eucharistique international a eu lieu à Lille, le 21 juin 1881.Il n’a eu d’international que le nom, car l’audience fut surtout régionale. A l’origine de ce type de rassemblement, il y a :

Le Miracle eucharistique de FAVERNEY en 1608

Le paragraphe qui suit est tiré de Wikipédia :

« Selon l’Histoire manuscrite de l'insigne abbaye de Faverney (1670) de Dom Odilon Bebin, le miracle des saintes hosties se serait déroulé ainsi : à la Pentecôte 1608, on avait placé l'ostensoir contenant le Saint Sacrement sur un reposoir composé d'une table surmontée d'un gradin en bois placé devant l'autel. Des lampes à huile étaient maintenues allumées sur la table. De nombreuses draperies décoraient l'ensemble selon la coutume de l'époque. Le lendemain matin une épaisse fumée révèle que le reposoir a pris feu et s'est consumé. Cependant, l'ostensoir privé de son support est resté à la place qu'il occupait dans l'espace. Il restera ainsi suspendu dans l'air pendant trente trois heures permettant à des centaines de personnes alertées du prodige de venir constater le fait. C'est au cours de la messe célébrée ensuite que l'on put voir l'ostensoir quitter sa place et se poser doucement sur l'autel. L'archevêque de Besançon ouvrit immédiatement une enquête au cours de laquelle la commission entendit 54 témoins parmi les plus sûrs dont les dépositions concordèrent point par point. Faverney devient un lieu de pèlerinage qui sera à la source des Congrès Eucharistiques. Aujourd'hui encore les festivités locales se conjuguent habilement à la tradition religieuse. »

Les congrès eucharistiques sont donc des rassemblements solennels pour la vénération du Saint-Sacrement. L’hostie, présente dans l’ostensoir atteste la présence réelle du Christ. Ce mystère de la foi institué par Jésus lors de la Sainte Cène – « Ceci est mon corps, ceci est mon sang, vous ferez cela en mémoire de moi » – est essentiel dans le Christianisme. Un congrès eucharistique est donc un acte d’adoration qui doit accroître la foi des participants et développer la pratique eucharistique (rappelons qu’au début du XXe siècle il fallait jeûner 24 heures avant de pouvoir communier, ndlr.)

Le sixième congrès se tient à Paris en 1888, à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, le suivant rassemble 150 000 personnes à Anvers. En 1893, le rassemblement a lieu à Jérusalem. En 1907, à Metz, qui appartient alors au Reich allemand, les autorités suspendent pour l’occasion la loi de Bismarck interdisant les processions. En 1910, le congrès a lieu outre Atlantique à Montréal. En 1912, c’est Vienne qui est le lieu de rassemblement du 23e congrès international. En 1914, le congrès se déroule à Lourdes, quelques mois avant le déclenchement de la guerre de 14/18. Il faut alors patienter jusqu’en 1922 pour le prochain congrès. Ces rassemblement se poursuivent jusqu’à nos jours ; on a en mémoire le congrès de l’année jubilaire en l’an 2000 à Rome présidé par Jean-Paul II qui rassembla des foules immenses !

Parallèlement à ces manifestations internationales se tiennent des congrès plus localisés, tel celui qui nous importe ici. En 1910, un congrès diocésain réuni à Metz permet de rendre compte des congrès internationaux et propose l’organisation de congrès cantonaux. Le premier a lieu à Forbach (pays de langue allemande) et Hayange (pays de langue française) en 1911, suivi de ceux de Bitche, pour les communes de langue allemande et de Ars-sur-Moselle pour les communes de langue française. Et nous voici en 1913, pour le troisième congrès cantonal à Phalsbourg, pays de langue allemande, et Moyeuvre & Saint-Quirin, pays de langue française.

Le choix de Phalsbourg pour le 3e congrès est le vœu émis par Mgr Willibrord Benzler, évêque de Metz (1901-1919, obligé de démissionner lors du retour de la Moselle à la France), lors de sa visite à Phalsbourg à l’occasion de la confirmation de juin 1912. (PHOTO_02, visite épiscopale de 1904)

Une première réunion a lieu à Gunzviller, le 27 novembre 1912, et traite des processions des dimanches et lundi de Pentecôte 1913, suivie d’une seconde à Phalsbourg le 5 janvier 1913 pour le déroulement du congrès. On fait un appel solennel aux 24 paroisses du canton. Les curés de chaque commune du canton de Phalsbourg sont sollicités pour la réussite du congrès par la prière (le public visé est la jeunesse), la participation aux processions envisagées, par la collecte de dons pour le financement du dit congrès. Un comité d’organisation du congrès est constitué, formé d’une personnalité représentant chacune l’un des villages du canton. Pour information, voici la liste de ce comité :

Michel THONN, représentant du village d’ARZVILLER, Joseph NOIR de BROUVILLER, Antoine WIND de BOURSHEID, Joseph HÄCKLER de DABO, Joseph SCHNEIDER de DANNE-ET-QUATRE-VENTS, Jean THOMAS de DANNELBOURG, Emile BAUERSCHMITT de TROIS-MAISONS (annexe de Phalsbourg), Florent FRÖLIGER de GARREBOURG, Binc. KRUMMENACKER de GUNTZVILLER, Albert SIMON de HASELBOURG, Antoine BÜRCKEL de HENRIDORF, Joseph HOLTZ de HERANGE, Flor. BENTZ de LA HOUBE, Auguste KNITTEL de HULTEHOUSE, L. PIERRE de LIXHEIM, Charles ACKERMANN de LUTZELBOURG, J. B. MÜLLER de METTING, Auguste NOSAL de MITTELBRONN, Ed. VIOLLAND de PHALSBOURG, Georges ALLGEYER de Saint-Jean KOURZERODE, Antoine BRUNNER de SAINT-LOUIS, Léon LEHRER de SCHÄFERHOF, François SCHNEIDER de VESCHEIM, Alfred KLEIß de VILSBERG.

Le premier acte de ce comité a été d’annoncer le congrès eucharistique cantonal à Phalsbourg les 11 et 12 mai 1913 à toutes les paroisses catholiques du canton. Ce fut fait le 11 février 1913 et annoncé (« AUFRUF », APPEL) dans toutes les églises du canton. En même temps, une fiche est distribuée aux enfants afin qu’ils y indiquent toutes les bonnes actions (participations à la sainte messe) exécutées en vue du congrès. On prend aussi contact avec les paroisses voisines de Sarrebourg, Fénétrange, Saverne et aussi Weyer-Drulingen, de sorte que le congrès s’élargit au pays de Phalsbourg, bien au-delà des limites du canton.

L’organisation du congrès à PHALSBOURG

Par la suite, il s’agit d’organiser pratiquement les solennités du congrès. Un comité local d’embellissement de la ville de Phalsbourg est créé, formé de : Joseph MARTIN, archiprêtre, Ed. VIOLLAND, maire, présidents d’honneur, Amatus ZWICKEL, archiprêtre, président, B. WITTMANN négociant grossiste en vins, vice-président, G. THOMAS, clerc de notaire, secrétaire, P. KALCH, secrétaire adjoint, J. CALMELAT, rentier, trésorier, O. FONDAN, receveur de l’octroi, trésorier adjoint, C. HERBER, professeur de musique au séminaire, L. MADELAINE, chef de bureau, F. MASSON, vicaire, J. PULS, professeur au séminaire, assesseurs ( le « séminaire » désigne le « Lehrerseminar », fondé en 1876 et qui est l’équivalent d’une école normale d’instituteurs-professeurs, ndlr) Le comité directeur se compose du docteur C. LÜCKER, pharmacien et adjoint au maire, président, F. MASSON, vicaire, vice-président et J. SEEMANN, ingénieur de la voirie, assesseur.

La tâche de ce comité est multiple :

· expliquer à la population de Phalsbourg le pourquoi de ce congrès ;

· annoncer la venue de milliers de participants à qui il convient de faire le meilleur accueil possible en valorisant la ville par une décoration festive des maisons et des rues ;

· appeler les communautés protestantes et juives à participer à cet effort ;

· réaliser un document pour exposer le programme des festivités ;

· produire un numéro spécial du bulletin paroissial de Phalsbourg (Pfalzburger Pfarrbote) ;

· demander à chaque paroisse du canton d’être représentée par une délégation de paroissiens, hommes, femmes et enfants.

La presse aussi est de la partie et le mot d’ordre paraît dans la Saarburger Zeitung: « Auf nach Pfalzburg ! » (Tous à Phalsbourg ! ) (PHOTO_03 communion à Phalsbourg 1911)

La préparation spirituelle du congrès

La semaine qui précède la Pentecôte est animée par le père PAULUS, prédicateur franciscain de Metz. La première prédication a lieu dimanche 4 mai lors de la grand-messe sur le thème de Jean, 15,27 « Vous aussi vous serez mes témoins » et Paul, 1 Tim., 1, 17 « Au roi des siècles, au Dieu immortel, unique, honneur et gloire pour les siècles des siècles »

Les jours suivants, l’église est pleine et les prédications suivies attentivement.

Lundi soir 5 mai, le père Paulus aborde le thème de Jean, 11, 28 : « Le Maître est là et t’appelle. »

Mardi soir 6 mai le thème est tiré du psaume 3 : « Goûtez et voyez comme le Seigneur est bon ».

Mercredi soir 7 mai, Actes, 2, 46 : « Chaque jour, avec persévérance, ils se retrouvaient d’un commun accord au temple ; ils rompaient le pain dans les maisons et ils prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur. »

Jeudi soir 8 mai, Jean, Apocalypse, 3, 20 : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi. »

Vendredi soir 9 mai, Deutéronome, 16, 15 : « Tu célèbreras la fête en l’honneur de l’Eternel ton Dieu à l’endroit que l’Eternel choisira. En effet, l’Eternel ton Dieu, te béniras dans toutes tes récoltes et dans tous le travail de tes mains et tu te livreras entièrement à la joie. », d’où l’importance du dimanche, jour du Seigneur.

La préparation matérielle du congrès

On espère évidemment le beau temps ! Dans la semaine qui précède la Pentecôte, la pluie sévit ; à partir de jeudi, le soleil fait quelques rares percées. On commence la décoration des maisons et des rues le jeudi avec des guirlandes de sapin, des fanions, des drapeaux. Le samedi soir, catastrophe ! Un gros orage se transforme en tempête vers 16 heures. Le plus bel arc de triomphe, à l’entrée de la ville près de la gare, se fracasse lamentablement à terre, précisément au moment où le train de 17 h amène les premiers invités, lesquels furent donc témoins de la catastrophe. On imagine l’ambiance, les figures sont défaites !

Passe la nuit, et voici que la pluie a cessé. On répare avec courage les dégâts de la veille. Mieux, le beau temps revient et les enfants célèbrent comme le veut la coutume à Phalsbourg, leur première communion. Ce fut une fête de famille à laquelle de nombreux congressistes ont assisté. C’est le père FELIX, de Bonne-Fontaine (lieu de pèlerinage dédié à la Vierge à 2 km à l’Est de Phalsbourg, ndlr) qui les a préparés à cette fête. Ce fut l’introduction au congrès eucharistique proprement dit.

Compte tenu du nombre de visiteurs attendus, que l’église ne saurait contenir, on a érigé un autel encadré de deux colonnes devant le portail de l’église catholique. Cet autel a été réalisé par un décorateur de Sarrebourg, H. JAECK. (PHOTO_04, portail avec autel)

Pour cette occasion, quatre mille médailles en argent du cœur sacré de Jésus ont été préparées et deux mille cartes postales du congrès ont été imprimées. Objets proposés à la vente par les jeunes gens et jeunes filles chaleureusement remerciés par le curé Zwickel !

Pour le bon déroulement de la procession du lundi, M. SEEMANN, déjà cité, a conçu un plan de la ville avec le parcours de la procession. Ce plan est par ailleurs très intéressant d’un point de vue historique. Ouvrons une petite parenthèse sur le destin de Phalsbourg après le conflit de 1870. Phalsbourg est assiégée du 8 août au 12 décembre 1870, et depuis le traité de Francfort du 10 mai 1871, Pfalzburg fait partie du Reich allemand et n’a plus aucun rôle militaire. C’est Strasbourg qui est appelée à la défense du Reich et pour cela on fait construire une ceinture de forts autour de Strasbourg. Pour ériger ces forts, les Allemands procèdent au démantèlement des remparts de Pfalzburg et, pour transporter les belles pierres, ils créent un chemin de fer de Pfalzburg à Lützelbourg pour amener les matériaux au canal de la Marne au Rhin et à la voie ferrée qui va sur Strasbourg. Sur le plan, on distingue que le rempart du côté ouest vers la porte de France n’existe plus. Encore heureux qu’ils aient laissé intactes les deux portes de la ville. De nos jours, il n’y a plus trace des remparts de la forteresse érigée par Vauban de 1679 à 1688.

M. Seemann a été muté depuis le 1er août près de Metz. (PHOTO_05, carte postale du congrès)

Dimanche de Pentecôte, 11 mai

Matinée : première communion des enfants de Phalsbourg.

16 h : procession solennelle du Saint Sacrement pour les enfants. Le parcours, d’une longueur de 1,5 km part de la place d’Armes, devant l’église, passe derrière la porte d’Allemagne, remonte la rue de Collège, passe devant l’Hôtel de Ville par la rue Micheler, suit la rue Mercière (rue du Mal Foch, ndlr), emprunte la rue de la Liberté, passe par la porte de France, suit la rue Neuve (rue de Sarrebourg, ndlr) et par la rue de la Gare et la rue de l’Eglise, revient au point de départ. On se rassemble en demi-cercle autour de l’autel pour écouter le sermon du père PAULUS. Tous entonnent un vibrant « Großer Gott wir loben dich » soutenus par les harmonies et l’on se sépare par un chaleureux « Au revoir, à demain ! » (PHOTO_06, plan de la ville avec parcours)

20 h : évidemment pas de festivités le soir, ni repas pour les officiels, ni bal ou manifestations de ce genre, mais un office du soir dans l’église catholique illuminée. Elle est pleine à craquer et 6 confessionnaux préparent à la communion générale de la nuit.

24 h : office de la nuit avec indulgence spéciale donnée le 8 avril 1913 par Sa Sainteté le pape Pie X (1903-1914). La messe est dite par le chanoine MÜLLER, supérieur du couvent Saint-Clément de Metz, assisté de MM. WASSEREAU et KIEN, professeurs au dit couvent. L’orgue est tenu par M. HERBER, professeur de musique au séminaire, qui a composé pour l’occasion cette messe solennelle chantée par la chorale de la paroisse soutenue par quelques jeune éléments de la chorale du séminaire. Messe dont le curé Zwickel annonce la prochaine publication ; des recherches sont à entreprendre pour retrouver trace de cette composition musicale ; on y travaille… Plus de plus de mille communions sont distribuées ce soir là !

Jusqu’au matin du lundi, se poursuit l’adoration du Saint-Sacrement.

Lundi de Pentecôte, 12 mai

La journée voit s’installer le beau temps, sous le soleil de mai, de sorte que le curé Zwickel peut noter que les prières des fidèles ont été exaucées et qu’il qualifie la météo de cette journée de « Ein prachtvolles Hergottswetter ! »

7 h : office pour les enfants.

Jusqu’à midi, arrivées de nombreux trains à la gare de Phalsbourg, amenant leurs cortèges de congressistes, à la satisfaction générale. On estime à dix mille le nombre de participants venus de tout le canton et de plus loin et tous et toutes dans leurs plus belles toilettes ! (PHOTO_07, le Zegele)

10 h : grand messe solennelle devant le portail de l’église. L’officiant est le vicaire général WAGNER, représentant de Mgr l’évêque de Metz. Entre six et sept mille personnes assistent sur la place d’Armes à l’office.

Les chorales de Phalsbourg, Dabo, Sarralbe et Bitche soutenues par la musique militaire du 99e régiment d’infanterie dont le troisième bataillon est stationné à Phalsbourg, accompagnent l’office. La prédication de trois quarts d’heure (!) est toujours assurée par le père PAULUS. Sept mille participants entonnent l’hymne final « Großer Gott wir loben dich ».

Ce moment a dû être exceptionnel ! (PHOTO_08, autel devant le portail)

12 h : la pause de midi, jusqu’à 13 h 30.

Accueillir une telle foule relevait du miracle, mais le beau temps aidant et la disponibilité des Phalsbourgeois de toutes confessions ont réalisé ce miracle que le curé Zwickel, toujours aussi enthousiaste compare à la multiplication des pains ! Il ne mentionne pas le nombre de corbeilles pleines de restes !!

L’après-midi comprend les temps forts suivants :

· trois comités d’études qui « planchent » sur trois thèmes spécifiques.

· La procession solennelle des congressistes représentants toutes les paroisses du canton et certains villages voisins.

Les comités d’études

Trois thèmes sont proposés à la réflexion des différents comités. Ils concernent trois catégories de population : d’une part la foule des hommes et des jeunes gens, celle des femmes enfin celle des jeunes filles. A chaque fois il y a une causerie proposée par un religieux, peut-être discussion (le rédacteur du fascicule ne le mentionne pas, mais il n’a pas pu assister à tous les comités). La synthèse est rédigée dans le fascicule. Chaque réunion est animée de chants, de concerts, de chorales.

Pour les hommes et les jeunes gens

La réunion se passe au « Militärziehaus » que l’on pourrait qualifier de gymnase, aimablement mis à disposition par l’autorité militaire. C’est un bâtiment au sud de la ville sur la route qui mène au village de Trois-Maisons et qui n’existe plus. Ce bâtiment propose 2 000 place assises. On dénombre environ 1 500 participants. L’introduction est proposée par le vicaire général Wagner déjà mentionné. Ce dernier rappelle sa visite à Rome avec le très estimé évêque de Metz, Mgr FLECK (1886-1899) et la bénédiction reçue du très Saint Père Léon XIII (1878-1903).

Intervient alors le chanoine honoraire L. MÜLLER, supérieur de Saint-Clément à Metz qui cherche comment améliorer la moralité des hommes et la fréquentation de la messe pour les jeunes gens.

Le meunier HOEHN de Großbliederstrof, délégué du parlement insiste sur la valeur sociale et sainte (évidemment) du repos du dimanche.

La dernière intervention est celle du chef de gare RÖßLER de Metz Sablon qui milite pour la communion mensuelle, pour la défense de la foi dans le quotidien du travail et réfléchit sur la façon de « secouer » les indécis .

La session se termine à 15h 30.

Pour l’assemblée des femmes (PHOTO_09, cortège)

Elles se retrouvent dans le bâtiment derrière l’Hôtel de Ville, au rez-de-chaussée.

Trois interventions ont lieu. D’abord le chanoine honoraire DELLES, curé de Sainte-Ségolène à Metz sur le thème du devoir chrétien d’une mère de famille le dimanche.

Le professeur SIEGWALT de Metz intervient sur le thème : école et famille dans leur complémentarité pour attirer les jeunes gens à la sainte messe et à la communion.

Enfin le prédicateur PAULUS insiste sur l’importance de la communion dominicale de la femme et de la mère pour fortifier son rôle sur le père et sur l’enfant. Il évoque l’exemple de sainte Monique, sainte mère et sainte épouse.

Pour l’assemblée des jeunes filles

La ville de Phalsbourg était en manque d’une troisième grande salle. C’est pourquoi les jeunes filles se partagent deux locaux, la salle des fêtes, dans le bâtiment derrière l’hôtel de Ville et la salle Weill, rue des Juifs, alors « Turnhalle », gymnase. Les intervenants passent d’une salle à l’autre. Les temps morts sont comblés par les harmonies de Phalsbourg et Sarrebourg qui se sont partagé les lieux.

Le père PAULUS évoque la communion dominicale comme facteur de développement du rôle social de la jeune fille dans le cadre de sa paroisse.

Le père FELIX, de Bonne Fontaine argumente que la communion dominicale est un moyen de progresser en vue de la vie maritale et monacale.

La procession solennelle du Saint Sacrement (PHOTO_09, ostensoir)

Vers 15 h 30, tous se retrouvent place Lobau pour entamer la grande procession, point d’orgue de ce congrès de Phalsbourg sur le parcours de 1,5 km précédemment décrit. Comment canaliser une telle foule en un cortège bien ordonné ? On se regroupe selon des fanions jaunes et blancs, aux couleurs de la papauté. Et vers 16h 30, le cortège s’ébranle emmené par une forte délégation de « Suisses », suivie de l’harmonie de Phalsbourg.

Puis viennent des assemblées de « Marie », groupes de fillettes et de jeunes filles, 20 en tout, dans l’ordre alphabétique des communes. On chante et/ou l’on récite le rosaire.

Puis les groupes d’hommes, dont les chorales de Bitche, Sarralbe, etc. La manécanterie de Sarrebourg ouvre le défilé des compagnies d’hommes et de jeunes gens représentant les 24 villages du canton. Chaque compagnie forte de 200 à 300 individus, En fin de ce défilé, « ceux de Phalsbourg ».

Enfin vient la longue file des officiants. Le vicaire WAGNER porte l’ostensoir. Il est accompagné de 60 prêtres et gens d’église.

Le curé Zwickel, toujours aussi enthousiaste, parle de « Via triomphalis ». On peut s’en rendre compte sur les photos prises gracieusement par le photographe ESCHEMANN de Phalsbourg.

Vers 17 h 30, le Saint Sacrement se retrouve à l’autel devant l’église. On chante avec ferveur le « Credo » et le « Tantum Ergo », puis c’est la bénédiction du Saint Sacrement et le chant final « Großer Gott... » devant l’église illuminée ! Journées mémorables, jamais Phalsbourg n’avait connu telle affluence. Il est juste de rappeler cet événement d’un autre temps. (PHOTO_10, bénédiction finale)

Relations dans la Presse

Le fascicule du curé Zwickel rend compte des différentes interventions des prédicateurs, sermons et discours….

Il a l’heureuse initiative de mentionner les articles de presse relatant l’événement dans les jours qui ont suivi. On trouve ainsi mention du congrès dans les journaux suivants : Lothringer Volkstimme, Metger Katholisches Volksblatt dont le directeur en personne, le chanoine JUNG a couvert le congrès. Le lendemain, mardi 13 mai, 12 000 exemplaires du Lothringer Volkstimme ont été proposés à Phalsbourg et environs. Rendent également compte Der Elsässer de Strasbourg, die Saarburger Zeitung, Le Lorrain, Le Courrier de Metz, la revue L’Eucharistie.

Conclusion du Congrès

Le curé parle « du blé qui lève ». On l’a vu, l’importance du Dimanche, Jour du Seigneur, est rappelée souvent. En ce début du XXe siècle, le dimanche est souvent « le jour des hommes » : on bricole, on s’affaire aux travaux agricoles, on ouvre des commerces (eh oui !), pire encore, on voyage. C’est parfois aussi « le jour de Satan » : dans les villes, on va aux festivités du samedi soir, bals, cinéma (!) ; parfois le dimanche, on part en excursion, tôt le matin et l’on rentre tard le soir…. Quelle place pour le Jour du Seigneur ? Le curé Zwickel le dit crûment : on sanctifie plus souvent à Bacchus ou a Vénus qu’à Notre Seigneur Jésus-Christ !

Il est donc essentiel, en corollaire de ce congrès, de lancer un appel à la messe, à la communion, aux vêpres, aux veillées dominicales !

Quel rapport avec le temps présent ?

Bien des personnes, à la lecture de ce compte rendu, se diront : le monde a bien évolué depuis, et c’est tant mieux. Comment pouvait-on supporter ce poids de l’Eglise Catholique sur les cœurs et les esprits ? D’autres penseront, sans oser vraiment l’exprimer : c’était le bon temps, car il y avait bien plus de moralité à cette époque et nos jeunes étaient plus respectueux de leur prochain !

La question est posée : c’était quand, le « bon temps » ? Hier, aujourd’hui, demain ? L’auteur de ces lignes pense que « le bon temps » est le temps que nous vivons. Et ce temps serait bien meilleur si l’on tenait un peu plus compte du temps d’hier. On peut ne pas être d’accord avec la sanctification du dimanche, mais la coupure du septième jour institué par la Bible est universellement souhaitée. La Révolution a bien essayé, avec le bucolique calendrier républicain d’imposer la décade comme découpage du temps. Ce fut une tentative bien vite abandonnée. L’économie tente de banaliser le travail du dimanche par des arguments de chiffre d’affaires, de rentabilité, bien éloignés du Jour du Seigneur du christianisme. Et pourtant ces tentatives sont condamnées même par des syndicats qui n’ont plus de lien avec le dit christianisme. On comprend bien leur crainte : si tout est permis, que reste-t-il de la dignité de l’humain appelé à travailler sans aucune règle ? En 1913, la justification du repos est simple car instituée par l’Eternel selon la très sainte Bible. De nos jours, en période de déchristianisation, la justification est plus difficile et toujours contestée, même de mauvaise foi, par l’économie et/ou le profit. « Dieu ou Mammon, là est le choix ! »

Un autre problème évoqué par le congrès se révèle d’actualité. Notre société contemporaine née après 1968, à partir de slogans « Il est interdit d’interdire », « faire l’amour, pas la guerre » et accompagnée de la révolution de l’Internet et des réseaux sociaux en est au point où un esprit fragile n’ayant connu ni accepté le moindre interdit peut déraper et provoquer la désolation dans son quartier, son école, sa ville, son pays ! Nos politiques en sont à ce point conscients (et débordés) qu’il est question d’introduire une heure de « morale » dans l’enseignement primaire. En 1913, cette « morale » était le lot du catéchisme et des « hussards noirs de la République » qui accommodaient ce catéchisme à la mode des lois de 1905 de séparation de l’église et de l’état.

Comment donc recadrer cette jeunesse sans attention, ni respect pour ses semblables ? Ne peut-on pas lui proposer autre chose que des jeux vidéos tous plus débiles les uns que les autres ? N’y a-t-il donc pas d’espoir dans notre monde en folie ? Faut-il donner raison à Socrate : « Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans . » Le monde ne s’est pas écroulé après Socrate, pas plus qu’il ne s’écroulera après nous. Et il n’allait pas mieux en 1913, à la veille de la guerre de 1914 que maintenant. Cependant, j’ose croire, je crois que tout irait un peu mieux si l’on se prenait le temps de méditer la Bible, ce livre d’où est sorti notre monde occidental, n’en déplaise à M. Chirac !

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